La grande séduction de Mékinac

(Saint-Tite) La MRC de Mékinac, en Mauricie, a lancé une vaste opération de séduction pour attirer – et retenir – des immigrants dans sa région. Sans aucun service d’accueil aux nouveaux arrivants il y a deux ans, elle est désormais lauréate du tout premier prix Ulrick-Chérubin qui reconnaît l’excellence en la matière.

« Quand je compare l’accueil que j’ai reçu ici avec celui de mes amis qui travaillent ailleurs au Québec, je réalise qu’eux n’ont pas eu cette chance », remarque Karim Othmani, machiniste chez Machineries Pronovost, à Saint-Tite. En pleine pandémie, l’homme de 33 ans a quitté sa région du sud de la Tunisie pour tenter sa chance en Mauricie.

Avec le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre, la MRC de Mékinac a besoin de sang neuf. Début 2020, elle se lance dans un vaste projet : rassembler toute la communauté autour de l’accueil des nouveaux arrivants. « Dès le départ, on a vu que ça animait une passion. Les gens disaient : “Oui, on est accueillants ! Oui, on veut du nouveau monde !”, alors que souvent, c’est un gros enjeu [de mobiliser les gens] », raconte Mia Delisle, agente à l’accueil et à l’intégration des nouveaux arrivants de la MRC.

Deux ans plus tard, la MRC a de quoi célébrer : elle a accueilli, depuis 2020, 53 nouvelles personnes de 13 pays et reçu 105 demandes de nouveaux arrivants potentiels. À titre comparatif, en 2016, seulement 115 immigrants habitaient la région, selon les données du recensement canadien.

Un succès qui permet aussi à la région de tourner définitivement la page sur l’affaire Hérouxville, 15 ans plus tard. Rappelons qu’en 2007, cette ville de la MRC avait adopté un code de vie affirmant que sur son territoire, les femmes ne pouvaient être ni brûlées vives, ni lapidées, ni excisées. L’affaire avait été largement médiatisée.

« Ça a marqué l’imaginaire, parce que plus de 10 ans plus tard, on en entend encore parler, déplore Mia Delisle. Mais ça n’a jamais été une mentalité généralisée dans notre milieu, ça n’a jamais fait partie de nos valeurs. »

Karim Othmani, qui a quitté sa région natale du sud de la Tunisie pour tenter sa chance en Mauricie.

Moi, vraiment, je préfère ça, la région, parce que c’est calme, tranquille.

Karim Othmani, arrivé en Mauricie de Tunisie

Le néo-Mékinacois s’est fait des amis, va au gym et covoiture désormais pour se rendre au travail. « J’aime la nature », résume-t-il, avec un sourire en coin.

Régionaliser l’immigration

En pré-campagne électorale, le gouvernement caquiste a annoncé que son objectif est désormais de régionaliser l’immigration. En 2020-2021, 23 % des personnes immigrantes admises au Québec se destinaient, lors de leur arrivée, hors des régions administratives de Laval, de la Montérégie et de Montréal, selon le plus récent rapport de gestion du ministère de l’Immigration.

Jeudi, la MRC de Mékinac est devenue la première lauréate du prix Ulrick-Chérubin (nommé en l’honneur d’un ancien maire d’Amos d’origine haïtienne), lancé en décembre dernier pour récompenser les meilleures pratiques en matière d’intégration des immigrants par le gouvernement du Québec et la Fédération québécoise des municipalités (FQM).

« La MRC de Mékinac a été le coup de cœur du jury », souligne Jacques Demers, président de la FQM. « Elle s’est particulièrement démarquée par la complémentarité des initiatives mises en place sur son territoire et sa démarche de mobilisation des acteurs locaux. »

« Si on peut les aider, on va les aider ! »

Or, immigrer en région n’est pas sans difficulté. « La paperasse est la même si tu veux immigrer à Montréal qu’ici, mais là-bas, il y a plus de services et de ressources », déplore Mia Delisle.

Quand deux Tunisiens (dont Karim) sont arrivés, embauchés par l’entreprise Machineries Pronovost, le défi a été de taille. « Par exemple, la viande halal, on n’en a pas en région », explique Eva-Marie Cloutier, coordonnatrice des ressources humaines. « Comment font-ils, nos nouveaux travailleurs, pour faire leur épicerie, en pleine quarantaine, sans véhicule ? »

La réponse ? Un appel à tous, qui a dépassé toutes ses espérances. Grâce à la mobilisation citoyenne, deux logements ont été meublés de A à Z, ustensiles, machines à paninis et télévisions incluses, détaille Mme Cloutier. Un traiteur du coin a aussi offert de la nourriture.

Dans la foulée, une escouade de bénévoles a été mise sur pied. Le but : offrir un réseau de contacts aux nouveaux arrivants, pour les accompagner selon leurs besoins. « Même si c’est juste pour une petite visite à l’épicerie, ou pour montrer des choses de notre milieu, ce projet-là est énergisant », lance Maggy O’Grady, l’une des 12 membres de l’escouade.

Ça rejoint mes valeurs d’entraide et d’harmonie. On a besoin de ça dans le monde !

Maggy O’Grady, bénévole

À une vingtaine de kilomètres de Saint-Tite, le maire de Saint-Adelphe, Paul Labranche, a accueilli personnellement une nouvelle famille italienne qui s’est installée au village. « Tout ce que je sais, c’est qu’ils nous ont choisis, s’enorgueillit M. Labranche. J’ai dit : “Si on peut les aider, on va les aider.” »

Interprète, invitation aux activités municipales, cadeaux de Noël et d’Halloween, soutien au processus d’immigration : la famille a été si bien accompagnée qu’elle a choisi de s’installer à long terme et de faire venir la grand-mère.

« Si on veut les garder, qu’ils s’intègrent, il faut leur donner un coup de pouce, soutient M. Labranche. Moi, je dis : pour accueillir un nouvel habitant, ça prend toute une communauté. »

Source : La presse, LILA DUSSAULT

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